louisette

Touche avec tes yeux.

 

Une mère et sa fille qui assistent à la Marche Mondiale des Femmes, Sao Paulo, Brésil. Août 2013
Une mère et sa fille qui assistent à la Marche Mondiale des Femmes, Sao Paulo, Brésil. Août 2013

Touche pas à mon pote, touche pas à mon poste, touche pas à ma pute, touche-moi pas j’suis en rut. Touche pas mon jardin, touche pas ma bagnole, touche pas mon gamin et encore moins son école. Touche pas à ton corps, touche pas mon diplôme, touche pas notre accord, touche pas aux fantômes. Touche pas à la misère, t’en approche pas non plus. Touche pas mes droits, mon salaire, touche pas mon Ministère. Touche pas mon cul ni mon culte, en Décembre touche pas à ma neige ni à mes privilèges. Touche pas à ma route, touche pas au budget, touche pas ce que j’écoute, regarde pas tous ces gays. Touche pas à mes prix, touche pas au budget, touche pas au Grisbi ! Touche plutôt ta paie. Touche du doigt, touche du bois, touche là où ça fait mal, mais touche pas ce qu’est normal. Touche pas ma vitrine, touche pas j’te dis t’es fauché. Touche pas mon Club Med, ni mon dimanche sous le soleil, touche pas mon remède, car y’en a pour de l’oseille…

Normal…Normal qu’on ai tous plus qu’à se coucher. Ou à se toucher. Coulés.


Le simulacre du matraquage fiscal : à qui profite le « ras-le-bol » ?

Une fois n’est pas coutume, les médias français se sont engouffrés dans la brèche ouverte par le gouvernement lors de la faute de communication de Pierre Moscovici sur France Inter le 19 août, lorsqu’il a affirmé « comprendre le ras-le-bol fiscal » des Français. Un ras-le-bol, qui rappelons-le, partant d’un « ressenti » de la part du ministre de l’Economie et des Finances, s’est peu à peu métamorphosé en une réalité sociale clivante et fumeuse, relevant davantage d’une construction médiatique globale et consentie que de l’analyse solide dont les journalistes auraient besoin, à l’aune des municipales de 2014. En effet, les principaux chiens de garde du pays se sont empressés de reprendre et d’alimenter l’idée d’une fiscalité déraisonnable, qui orienterait toujours plus l’opinion publique vers son désamour déjà affirmé envers la majorité actuelle. Les journaux tels le Figaro, Libération, le Monde, ou encore Le Parisien, L’Express, Le Télégramme – participant, plume contre plume, à cette nouvelle fronde – ne s’avèrent être que l’illustration du recours à la facilité que représente l’entreprise des sondages en France : 86 % des Français, selon l’étude de l’Institut CSA-Nice Matin du 15 septembre, seraient « opposés » à la hausse des impôts (où 49 % des Français disent ressentir « tout à fait » un « ras-le-bol fiscal » et 35 % « plutôt »). Et cela a entre autres suffi à donner du grain à moudre aux fers de lance de la pensée dominante, de la démagogie, sans réelle pédagogie ni éclaircissement de l’information.Rz_112a

La réforme fiscale du gouvernement vise à récolter 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires, c’est un fait. Or, entre 2000 et 2010 les baisses d’impôts mises en place par la droite s’étaient élevées à 120 milliards d’euros, et comme chacun sait, au bénéfice des Français les plus aisés et des entreprises. Le résultat de cet acte – aujourd’hui réclamé de la part de (presque) tous les fronts – avait été le sacrifice des recettes fiscales, des dépenses publiques, et en conséquence des services régaliens de base que sont une éducation ou une santé gratuite et de qualité. Ajoutons à cela, l’évasion et la fraude fiscales, qui se sont soldées à presque 80 milliards d’euros de pertes pour l’Etat provoquant une baisse de recettes fiscales et donc de dépenses publiques. Quant à ce que le gouvernement actuel initie au travers de l’augmentation de la part des prélèvements obligatoires serait, selon Guillaume Duval d’Alternatives économiques, une tentative de retour au niveau de 1999. Les mesures supplémentaires pour 2013 n’auraient ainsi eu que pour effet de ramener la fiscalité des revenus et du capital des ménages au niveau qui était le sien en 2000, avant la débauche des baisses d’impôts pour les plus riches et les entreprises.

L’illusion du « ras-le-bol fiscal » ne fait finalement que cacher le réel problème : l’injustice fiscale. Ne pourrait-on pas plutôt parler de ras-le-bol contre la fraude fiscale – dont l’insuffisance de lutte contre cette dernière a été récemment pointée par la Cour des comptes – plutôt que de « ras-le- bol fiscal » ? A trop jouer le jeu des crispations françaises, passe-temps favori des entrepreneurs de morale médiatiques, on en oublie la source, le bois dans lequel le bateau qui nous mène a été construit. Nous parlons ici des dépenses des ménages et de leur pouvoir d’achat, qui comme toujours pour les moins aisés, et disons-le clairement pour la classe ouvrière, seront davantage affectés que ce que ne font justement pas ressortir les journalistes. Quid des 135 milliards de TVA, taxe inique qui est payée majoritairement – car ils sont plus nombreux – par les « pauvres » et qui va augmenter cette année ou encore la précarité des jeunes qui sont sujets à des charges de logement de plus en plus élevées, à l’abaissement prévu du quotient familial ainsi qu’à la suppression de la réduction d’impôts pour les frais de scolarité ?

Au lieu de cela, on préfère plutôt s’engager dans une entreprise d’empathie feinte vis-à-vis de l’ensemble des Français qu’on réduit à leurs présupposés protagonistes : les « classes moyennes », terme incluant 80 % de la population – allant des ouvriers qualifiés aux cadres supérieurs – et ne visant qu’à effacer le « clivage de classe »

Voilà encore de la part des médias un accès de facilité qui relève cette fois-ci du manque total de professionnalisme, et bien plus grave encore, du mépris pour ceux qui vont réellement payer, ou qui vont finalement échapper au consentement de l’impôt, ces derniers étant bien souvent les plus aisés, en témoignent les cadeaux accordés dans le domaine de l’immobilier. Et si la classe capitaliste s’indigne facilement des impôts versés à l’Etat, aucune voix ne semble s’élever contre la hausse du gaz qui a augmenté de 80 % entre 2004 et fin 2012 ou encore l’électricité dont le prix du kilowatt a augmenté de 7,5 % en un an. Comme le note à juste titre Hubert Huertas dans son article « Ras-le-bol fiscal : l’overdose » : « A écouter le discours dominant (…) il est plus supportable de régler sa note de gaz que de payer un professeur ». C’est ce même discours qui montre du doigt la France pour l’ensemble de ses taxes qui représentait 42,9 % de la richesse nationale en 2010 – moins que le Danemark (47,6 %) mais bien plus que le Royaume-Uni (34,9 %).

Discours, qui semble oublier que les Français profitent, ont profité et profiteront de services rendus par une action publique bien plus développée que chez son voisin britannique : si les Anglais paient moins d’impôts, il ont beaucoup plus de frais personnels à couvrir par rapport à l’école ou encore aux retraites.

Encore un autre volet oublié, c’est celui des élections municipales du mois de mars 2014. Car on assiste bien plus à un débat entièrement politisé qu’à une véritable analyse de la situation économique, fiscale et budgétaire qui s’annonce pour la France, et qui bien évidemment s’inscrit directement dans le contexte électoral des élections municipales. En effet, au sein de l’opposition, les candidats UMP n’ont pas tardé à réagir en instrumentalisant le débat national sur le « trop plein-d’impôts » en un débat local en en faisant un axe de sa campagne pour les municipales. Pourtant, comme le rappelle Hervé Gattegno sur RMC, l’UMP semble sciemment oublier que sur ces 4 dernières années, s’il y a eu 60 milliards d’augmentations d’impôts tous confondus, plus de la moitié d’entre eux – soit 33 milliards – ont été décidés sous Nicolas Sarkozy et François Fillon qui aujourd’hui, ne cesse de décrier l’ « assommoir fiscal » à propos de la politique actuelle. C’est donc en réduisant le débat sur la politique économique à un simple « poujadisme fiscal » que l’UMP a décidé de discréditer la politique nationale tout en flattant le contribuable.

L’UMP a ainsi lancé mercredi 18 septembre une campagne qui prévoit la diffusion de plus d’un million et demi de tracts et d’affiches sur le thème « 50 milliards d’impôts : trop c’est trop! », « Libérons les Français » ou encore « Trop d’impôt tue l’emploi ». Selon ces tracts, les candidats UMP aux municipales « s’engagent à ne pas augmenter les impôts », voire à les baisser. C’est notamment le cas à Paris où Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) a brandi la diminution fiscale en étendard – quelques semaines avant que les contribuables ne reçoivent la facture de leur taxe d’habitation – en annonçant un « allègement de la pression fiscale » et une baisse du budget de la ville de Paris de 1 milliard d’euros (sur un total de 8 milliards) et sans préciser où se feront les coupes budgétaires. En face, la candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo, se dit « soucieuse du pouvoir d’achat des Parisiens » et estime que le « gouvernement est allé trop loin dans l’augmentation des impôts » mais s’oppose aux dires de NKM sur la supposée augmentation de 40 % des impôts parisiens sous Delanöe. Si la candidate PS concède deux hausses de 8 % et 9 % des impôts locaux, et la mise en place d’une taxe de 3 %., elle rétorque d’un ton moqueur : « Il suffit de savoir compter : 9 + 8 ce sont les deux augmentations qu’il y a eu en 2009 et en 2010, plus 3 % la création d’une taxe départementale, ça ne fait pas 40 % ». Cette rixe fiscale montre que le gouvernement social-libéral n’a finalement abouti qu’à une chose : la création d’un sentiment de défiance vis-à-vis de l’impôt qu’il essaie maintenant de désamorcer.


Comme un bruit de conversation

imagineLa Pecha Kucha à Montevideo, Uruguay.

Je me suis rendue pour la première fois à un évènement assez difficile à décrire. Disons, une rencontre, entre un groupe d’innovateurs, (scientifiques, poètes, philosophes, artistes, grosses têtes ou leaders de projets ou de start-up qui marchent, de préférence), et un public sans tomates sous le manteau, puisque le but ici n’est pas de juger, mais de partager. Je m’explique.
Pecha Kucha est un terme japonais signifiant grossièrement « le bruit de la conversation », que l’on attribue en espagnol au terme « cuchicheo », qui signifie « chuchotement », « murmure », « messe basse ». Créé en 2003 au Japon, ce phénomène de partage d’idées et de projets est aujourd’hui organisé dans environ 600 villes à travers le monde. Cet été, Montevideo organisait cette rencontre originale. Le concept est simple: une dizaine de participants doivent exposer, en l’espace de six minutes, (exactement 6 minutes et 40 secondes), une idée, un concept, un regard sur le sujet ou le domaine dans lequel ils travaillent ou évoluent. Pour les appuyer, 20 images de leur choix défilent derrière eux, chaque instantané étant projeté durant 20 secondes. Toutes les disciplines y ont leur place: sciences, technologiques, médias, politique, économie, arts, anthropologie, design, architecture…

En France, c’est en 2013 que le Palais de Tokyo a organisé, à Paris, sa première soirée Pecha Kucha. Je suis allée à cette soirée plutôt intriguée, et en toute honnêteté, en essayant de faire abstraction du hall d’entrée où se tenaient paresseusement des standes tenus par les sponsors qui n’offraient rien, (si ce n’est en l’échange de notre participation à un jeu mystérieux et inaccessible aux vues de la queue qui attendait, permettant de gagner un coca, pardon, un pepsi), j’ai apprécié ce moment original et intriguant. Certes, cela m’a beaucoup fait pensé à nos mythiques exposés à Sciences Pipo où l’on doit parler en un espace de temps contraint de choses que l’on ne connait qu’à moitié, ou pas du tout. Mais finalement, rien à voir. Les orateurs étaient simples, s’exprimaient avec maladresse, humour, clarté, intelligence, et surtout, avec conviction. Proposant, à leur manière, des idées, des projets, des choses abouties ou non. Mais l’une des choses les plus pertinentes qui m’est restée, et qui a d’ailleurs clôturé la soirée, c’est cette remarque d’une femmde de Rosario, Santa Fe, Argentine: « Et vous, qu’est ce que vous avez à proposer ? »


N’a pas voté

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Ce dimanche 23 juin, les gens sont allés voter, ici. Les citoyens ont été appelés à se prononcer sur l’organisation d’un référendum visant la toute récente loi de dépénalisation de l’avortement dans les trois premiers mois de la grossesse, adoptée de justesse en octobre dernier. Ce sont ainsi des groupes indépendants, du parti de droite «Colorado» ainsi que du parti centriste «National», qui tentent l’annulation de cette décision politique progressiste, dans un pays où il est inutile de rappeler que la tradition religieuse catholique joue encore un rôle prépondérant dans les moeurs.

Le principe était clair: si 25% des électeurs uruguayens se manifestaient aux urnes ce dimanche, un délai de 120 jours aurait été accordé aux détracteurs afin de déterminer la date d’un référendum sur le maintien ou l’abrogation de la loi sur les IVG.

Hormis Cuba, la Guyane et les districts de Mexico et de Porto Rico, aucun pays n’autorise les interruptions volontaires de grossesse en Amérique Latine, excepté lorsque celle-ci est la conséquence d’un viol, par exemple. L’Uruguay, en votant cette loi en octobre, avait ainsi fait un pas en avant notable sur le plan social, mais également sanitaire.

Les résultats furent nets et sans bavures: ils ne furent que 8% à se déplacer pour manifester leur désir d’organiser un plébiscite contre la loi. Si l’on peut se réjouir de ces résultats, qui furent reconnus comme une défaite cuisante, voire humiliantes pour les «pros-vie», cela m’a immédiatement amenée à m’interroger sur la pertinence de ces modes de démocratie directe que nous ne connaissons pas en France. Peut-on se permettre de se demander ce qu’il en aurait été d’un système où les anti-mariage pour tous auraient eu la possibilité d’organiser un scrutin d’initiative populaire afin de retoquer la loi (péniblement) votée il y a peu à l’Assemblée Nationale ?

L’ex-Président uruguayen Vazquez a évoqué les résultats de cet appel au vote en refusant le manichéisme, et a parlé d’une «citoyenneté convaincue que le pays doit sans cesse s’améliorer», et où «il n’y a ni bons ni mauvais électeurs». Il aurait même été applaudi par l’opposition. Ceci me fait juste penser que les espaces politiques sont nécessaires afin de contenir les frustrations ou les ressentis de l’opinion. La possibilité d’un échappatoire, par les urnes, même s’il ne mène à rien ou qu’il est initié par des idées conservatrices et rétrogrades, peut être une garantie d’équilibre social, où chacun, par l’effort d’un élan commun (ici, initier un scrutin, récolter des voix), peut faire entendre sa voix, sans attendre que les dirigeants la lui donnent. Je ne doute pas que tout ce qui touche à la démocratie directe doit être traité avec prudence. Je suppose simplement que l’idée de cristalliser des idées intolérantes ou «réfractaires au progrès» dans un bulletin de vote les aurait peut-être, qui sait avortées dans l’oeuf un peu plus rapidement que les innombrables débordements dont la Manif’ pour tous nous a fait le spectacle ces derniers mois.


Sorti du tiroir estival 2013.

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Les diagnostics s’imposent.  A regarder d’un peu plus près, on a l’impression qu’il y a un truc, quelque part. Quelque chose qui s’est échappé de la machine où qui s’y est méchamment incrusté.

Les rues sont pleines. Pleines de gens, de déçus, d’affamés, de dépravés (ben oui, faut bien l’avouer, on vit dans un monde de FOUS), de pétasses, de précaires, de précoces, de pas finis, de pas-commencés, aussi. Nous sommes l’ébauche de nous-même. On nous attend au tournant. On n’arrive pas à se l’avouer, mais les faits sont là. A croire que la violence est devenue le nouveau critère de participation sociale.

On assiste depuis quelques mois à des mouvements citoyens de grande ampleur, au Brésil, en Turquie, en Egypte, pour ne citer que ces pays. Les citoyens occupent les espaces publics, pour réclamer un dû bien trop souvent oublié: un peu plus d’ouverture politique, un peu moins de gaspillage des fonds publics, non, trois fois rien, la conservation des lieux symboliques aux yeux des gens, comme un parc. Cela naît d’un petit rien: un ticket de bus, quelques tweets, des photos, des relais, et puis la mèche est allumée. Et souvent, comme on s’en rend bien compte, car c’est toujours davantage le cas, le reste de la population, ou ceux qui en ont les moyens, se joignent au mouvement et construisent la mobilisation globale, la portent et la nourrissent, dans un élan commun.

Ce qui m’a frappé ces trois derniers mois, et j’en reviens toujours à une comparaison entre mon propre pays et ceux que je viens d’évoquer, si pauvre soit ce parallèle, c’est l’omniprésence de la violence, et son expression bien spécifique à chacun des cas. Surtout en France, où dernièrement, on ne parle pas d’un mouvement social, mais d’une multitude de mobilisations étrangères les unes aux autres. La participation sociale a t-elle le monopole de l’individualisme politique ? Je regarde vers mon pays, et je vois des fascistes contre des anti-fascistes, des anti-mariage pour tous contre des pro, des syndicats enseignants contre le Ministère de l’Education, des patrons contre des employés, des chats contre des chiens, en somme. Les causes qu’ils défendent sont toutes légitimes. Je ne reviens pas là-dessus. Elles sont propres à chaque groupe, à chaque identité. Une chance qu’elles puissent d’ailleurs s’exprimer librement. Mais juste une remarque: à quand aurons-nous en France un mouvement social d’ampleur, qui ne se traduise pas par une violence crue utilisée les uns contre les autres ? Sachons reconnaître l’ennemi commun. Ou bien, mieux encore, sachons déjà nous reconnaître comme de potentiels alliés, tous, comme un peuple qui veut avancer, créer pour chacun des conditions de vie moins pénibles, des opportunités d’avancer. Sans même aller jusqu’aux résultats concrets, ayons déjà conscience de nous-mêmes, en tant que peuple. Ouh, le vilain mot. Et pourtant, et pourtant, elle est peut-être là, l’idée.