N’a pas voté

16 octobre 2013

N’a pas voté

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Ce dimanche 23 juin, les gens sont allés voter, ici. Les citoyens ont été appelés à se prononcer sur l’organisation d’un référendum visant la toute récente loi de dépénalisation de l’avortement dans les trois premiers mois de la grossesse, adoptée de justesse en octobre dernier. Ce sont ainsi des groupes indépendants, du parti de droite «Colorado» ainsi que du parti centriste «National», qui tentent l’annulation de cette décision politique progressiste, dans un pays où il est inutile de rappeler que la tradition religieuse catholique joue encore un rôle prépondérant dans les moeurs.

Le principe était clair: si 25% des électeurs uruguayens se manifestaient aux urnes ce dimanche, un délai de 120 jours aurait été accordé aux détracteurs afin de déterminer la date d’un référendum sur le maintien ou l’abrogation de la loi sur les IVG.

Hormis Cuba, la Guyane et les districts de Mexico et de Porto Rico, aucun pays n’autorise les interruptions volontaires de grossesse en Amérique Latine, excepté lorsque celle-ci est la conséquence d’un viol, par exemple. L’Uruguay, en votant cette loi en octobre, avait ainsi fait un pas en avant notable sur le plan social, mais également sanitaire.

Les résultats furent nets et sans bavures: ils ne furent que 8% à se déplacer pour manifester leur désir d’organiser un plébiscite contre la loi. Si l’on peut se réjouir de ces résultats, qui furent reconnus comme une défaite cuisante, voire humiliantes pour les «pros-vie», cela m’a immédiatement amenée à m’interroger sur la pertinence de ces modes de démocratie directe que nous ne connaissons pas en France. Peut-on se permettre de se demander ce qu’il en aurait été d’un système où les anti-mariage pour tous auraient eu la possibilité d’organiser un scrutin d’initiative populaire afin de retoquer la loi (péniblement) votée il y a peu à l’Assemblée Nationale ?

L’ex-Président uruguayen Vazquez a évoqué les résultats de cet appel au vote en refusant le manichéisme, et a parlé d’une «citoyenneté convaincue que le pays doit sans cesse s’améliorer», et où «il n’y a ni bons ni mauvais électeurs». Il aurait même été applaudi par l’opposition. Ceci me fait juste penser que les espaces politiques sont nécessaires afin de contenir les frustrations ou les ressentis de l’opinion. La possibilité d’un échappatoire, par les urnes, même s’il ne mène à rien ou qu’il est initié par des idées conservatrices et rétrogrades, peut être une garantie d’équilibre social, où chacun, par l’effort d’un élan commun (ici, initier un scrutin, récolter des voix), peut faire entendre sa voix, sans attendre que les dirigeants la lui donnent. Je ne doute pas que tout ce qui touche à la démocratie directe doit être traité avec prudence. Je suppose simplement que l’idée de cristalliser des idées intolérantes ou «réfractaires au progrès» dans un bulletin de vote les aurait peut-être, qui sait avortées dans l’oeuf un peu plus rapidement que les innombrables débordements dont la Manif’ pour tous nous a fait le spectacle ces derniers mois.

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